Los Voladores, un ancien rite totonaque

par | 1 Avr 2022 | Culture

Si l’on ne connaît pas l’origine précise de cette cérémonie, on sait par contre qu’elle remonte à l’époque préhispanique puisque les chroniqueurs des conquistadors décrivent cette danse comme s’il s’agissait d’un jeu sportif. Cependant une légende raconte que dans la région totonaque circonscrite autour des frontières des actuels états de Veracruz et de Puebla, une grave sécheresse avait réduit les villageois à la famine.

Convaincus qu’il s’agissait d’une revanche des dieux qui avaient été négligés, les vieux sages choisirent cinq jeunes gens encore chastes et les enjoignirent de partir dans la montagne à la recherche d’un arbre, le plus haut et le plus droit qu’ils puissent trouver et de le ramener dépouillé de ses branches pour qu’il soit planté au cœur du village.

Ce tronc devait servir dans sa partie supérieure à exécuter un rituel qui serait ainsi entendu par les dieux afin de leur rendre grâce et recevoir en échange des pluies abondantes pour fertiliser leurs terres. Après avoir béni le mât avec des offrandes sacrificielles, les jeunes gens affublés de plumes d’oiseaux qui suggéraient qui un corbeau, qui un perroquet ou un quetzal ou encore un hibou grimpèrent au sommet du mât où ils avaient installé un tecomate, un appareil giratoire qui servait aussi de point d’appui pour les danseurs qui s’y étaient attachés par une cheville avec une longue corde enroulée autour de leur taille.

Dernier à grimper, le responsable du groupe encore appelé le caporal se tient debout au centre du groupe, au cœur même du système. C’est lui qui assure tous les effets musicaux avec un tambourin fixé à son poignet et une flûte à 3 trous tout en dansant à petits sauts, comme s’il voulait encore davantage enfoncer le mât dans le sol. Avec ces notes aigrelettes, il s’agit pour lui d’attirer l’attention de Xipe Totec, dieu de la fertilité.  

Quand enfin cesse l’invocation, il s’assied sur l’étroite plate-forme giratoire sans jamais cesser de jouer de ses instruments. C’est le moment que choisissent les quatre autres danseurs pour se jeter dans le vide où ils tournent autour du mât, entraînés par le tecomate auquel ils sont reliés par une corde qui, à mesure qu’elle se déroule, leur fait décrire des cercles de plus en plus larges. Les 4 danseurs symbolisent les 4 points cardinaux mais évoquent aussi le ciel, la terre, le feu et l’eau. Avec leur coiffe conique décorée de rubans et de miroirs qui accrochent la lumière et leur masque d’oiseaux, les danseurs exécutent une chorégraphie aérienne, la tête vers le bas et les mains tournées vers le ciel. Avant d’atteindre le sol en douceur, ils effectuent chacun 13 tours autour du poteau, soit un chiffre total symbolique de 52 en référence à l’année solaire aztèque.

Chaque mouvement de la danse fait revivre le mythe de la naissance de l’univers et la cérémonie rituelle des Voladores exprime les valeurs de la communauté totonaque en facilitant la communication avec les dieux qui gèrent la nature et en faisant appel ainsi à la prospérité. Dans la Sierra Norte de Puebla, tout au long de la Ruta Mágica, nombreux sont les villages qui ont ainsi à demeure un mât planté pour permettre la danse des hommes-oiseaux, un mât dont la hauteur (plus de 30 mètres) rivalise avec celui du drapeau national.

Pour les danseurs mais aussi pour les spectateurs qui participent ainsi à la résurgence du rite, celui-ci suscite un réel sentiment de fierté et de respect de leur propre identité qui n’a rien à voir avec l’exploit sportif qu’il suppose. Guère étonnant dès lors que l’Unesco ait inscrit en 2009 la danse de Los Voladores au Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité.

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