L’artisanat mexicain s’identifie à la création d’objets en utilisant des techniques traditionnelles qui trouvent leur source dans l’héritage précolombien. S’il est exact qu’avec l’arrivée des Espagnols au 16ème siècle, les artistes mexicains ont été amenés à suivre les influences européennes, ils ont toujours essayé de sauvegarder leur âme indigène dans la plupart de leurs créations. Au début du 20ème siècle, pendant la révolution, un revirement important s’opère quand des peintres muralistes comme Diego Rivera, David Alfaro Siqueiros ou Rufino Tamayo vont peindre des fresques imposantes aux palettes vives qui magnifient l’histoire du pays, en glorifiant la grandeur et les exploits des civilisations préhispaniques. Ce n’est pas étonnant qu’aujourd’hui encore, l’artisanat mexicain doive être considéré comme un art populaire qui invite à une connaissance approfondie du pays.
Créés pour les besoins de la vie quotidienne ou à des fins rituelles, les objets artisanaux touchent à tous les domaines : céramique, textile, vannerie, poterie, travail du bois et de la pierre, orfèvrerie, etc.… Les couleurs éclatantes qui les caractérisent rappellent l’époque préhispanique quand les pyramides aztèques ou mayas et les textiles étaient peints ou colorés d’ocres rouges, orange, turquoise ou jaunes. Autant de couleurs minérales ou végétales qui inspirent encore les artisans d’aujourd’hui. Sans doute l’abus d’ornements est-il le résultat des styles baroques utilisés pendant la période coloniale mais ces témoignages interpellent le visiteur qui peut y découvrir bien souvent des formes de syncrétisme. Ainsi en est-il des statuaires qui ornent la façade blanche de l’église St-Jacques de Chignahuapan dans l’Etat de Puebla. On peut y voir un exemple du baroque revu au goût des autochtones car les statues joyeusement colorées expriment les difficiles conciliations des croyances des indigènes avec celles imposées par la religion catholique. A bien y regarder, on peut y reconnaître le dieu de la pluie Tlaloc caché parmi l’exubérance des guirlandes végétales. Même les chérubins ont la peau basanée et les gargouilles semblent des serpents ondulant qui recueillent les prières à Quetzalcóatl.
Une production résolument inventive.
Les artisans mexicains n’ont pas succombé à l’industrialisation ni aux objets fabriqués à la chaîne, ce qui donne aux souvenirs que l’on peut ramener une valeur incomparable et un charme particulier. La terre cuite ou céramique est sans aucun doute une des créations les plus anciennes. Liée aux célébrations mayas et aztèques et aux offrandes pour les morts, elle est aussi indissociable du quotidien.
Les talaveras poblanas, version mexicaine des azulejos andalous, jaillissent de toute part à Puebla : maisons, fontaines, églises en sont incrustées donnant à la ville une harmonie visuelle et une élégance qui ont inspiré des cités voisines. Entre 1550 et 1570, un céramiste originaire d’un village castillan, Talavera de la Reina, débarqua à Puebla où il apprit aux artisans locaux l’usage du tour du potier et du vernis à base d’étain. C’est la rencontre entre les motifs indigènes et les techniques espagnoles qui a donné naissance à ce qui est reconnu aujourd’hui comme la talavera poblana. Dès le 17ème siècle, on peut réellement parler d’industrie dans toute la région et des corporations furent créées pour garantir la qualité des pièces produites. La couleur bleue était utilisée pour les pièces les plus luxueuses en raison du coût élevé du minerai nécessaire à la fabrication. La vaisselle était bien sûr au centre de la production mais aussi de splendides azulejos, ces carreaux de faïence émaillés bleus ou blancs ou polychromes qui garnissaient les façades des églises et des palais de Puebla. La casa de los Muñecos est ainsi décorée de personnages masculins qui ressemblent à des pantins.
400 ans plus tard, rien n’a changé. Il suffit de visiter les ateliers de l’entreprise Uriarte qui a conservé son nom d’origine alors que l’entreprise familiale a été reprise par un consortium qui lie trois entrepreneurs mexicains et un canadien qui veillent à maintenir la pureté et la qualité dans la fabrication des objet, tous artisanaux depuis la mise en forme jusqu’à la dernière étape du vernissage en passant par les ateliers de peinture où hommes et femmes créent des décors minutieux sur leurs pièces. La talavera poblana a gagné ses lettres de noblesse car en 1992, elle fait l’objet d’une AOC qui fait référence à son origine spécifique et exclusive, ceci afin d’éviter la vente de produits similaires qui chercheraient à profiter de la réputation des produits authentiques. www.uriartetalavera.com.mx
Quatrième ville du pays et très touristique, Puebla propose dans ses marchés et ses boutiques des productions artisanes en provenance de tout le pays. La plazuela de los Sapos organise chaque matin un marché d’artisanat spécialisé dans les meubles et les cadres en bois sculpté mais le week-end, il devient un véritable marché aux puces bien agréable à chiner. Le Barrio del Artista abrite comme son nom l’indique de nombreuses boutiques de peintres qui le week-end venu donnent sur la rue des cours à de nombreux élèves particuliers. Une heureuse manière d’attirer les curieux séduits par l’ambiance bohême des lieux. Le marché artisanal El Parián sur lequel débouche le quartier des artistes propose sur une centaine d’échoppes des objets variés, bibelots, étoffes, ponchos, broderies, vannerie, talavera, autant de petits souvenir à emporter.
La céramique et la peinture ne sont pas le seul matériau utilisé pour dessiner des fresques : à Jonotla, des artistes locaux créent chaque année à l’occasion de la fête dédiée à la Vierge des décors symboliques sur l’arche d’entrée du village et sur les porches de l’église de la Vierge, entièrement composés à partir de grains de maïs, de graminées sauvages, de feuilles de bambou et de maïs, etc…
Le Mexique a l’âme artisane.
Les cultures préhispaniques ne faisaient pas de différence entre art et artisanat. La céramique et la poterie mais aussi la vannerie, l’orfèvrerie et la confection de textiles participaient au quotidien de ces peuples car tous les objets étaient créés pour répondre aux besoins de la vie journalière ou à des fins rituelles.
Quand on se promène dans les villages qui jalonnent la Ruta Mágica de la Sierra Norte, on découvre des artisans qui créent des objets utilitaires avec ce que leur offre la nature. Autour de Jonotla, les tiges séchées et flexibles du jonote, cet arbre typique de la région, servent de base à des objets tressés qui vont du chapeau aux porte-serviettes et aux corbeilles de toutes tailles. Ou encore à fabriquer des capteurs de rêves, ces jolis cerceaux garnis de plumes dont le centre est tissé de fines boucles qui rappellent la toile de l’araignée et qui serviront de filtres pour empêcher les cauchemars de venir troubler le sommeil des enfants. C’est dans la Sierra qu’on découvre aussi d’étranges statues creusées dans des racines d’arbres à moins qu’il ne s’agisse parfois de ces grosses protubérances que nous désignons plus souvent comme un parasite qui se développe sur les troncs d’arbre qui ont été blessés. Les mains habiles combinées à l’imagination de leurs auteurs leur permettent de créer des formes suggestives comme des oiseaux prêts à s’envoler à moins que ce ne soit un hibou perché sur sa branche. C’est encore dans la Sierra que nous rencontrerons un fabricant d’arcs qui a créé devant nos yeux ébahis un bel arc à flèches en une quinzaine de minutes à partir d’une branche d’oranger. Fendue en deux, taillée, creusée, ceintrée sur son genou puis maintenue telle quelle grâce à une corde fine prête à recevoir sa première flèche. Il ne restait plus qu’à le poncer, le traiter et le décorer. Une habileté toute manuelle qui laisse pantois.
L’Etat de Colima n’est pas en reste. Sous les arcades de Comala, les artisans multiplient les étals garnis de bijoux réalisés exclusivement avec des noyaux ou des graines de fruits et principalement de café. Sur la côte ce sont les coquillages qui servent de décor. Non loin de Comala, le village de Suchitlán est fameux dans la région pour les masques en bois peints de couleurs vives. Ils représentent des animaux mythiques et sont portés lors de danses traditionnelles qui mélangent des croyances nahuas et chrétiennes.
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