La gastronomie mexicaine, une cuisine métissée

par | 17 Avr 2022 | Gastronomie

La cuisine traditionnelle mexicaine est le fruit d’un modèle culturel qui rassemble à la fois des habitudes agricoles et rituelles, des techniques culinaires et des coutumes ancestrales. C’est d’ailleurs parce qu’elle est au cœur de l’identité culturelle des communautés mexicaines qui la pratiquent et qui la transmettent de génération en génération qu’elle a été inscrite par l’Unesco sur la Liste du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité en 2010.

Au Mexique on mange à toutes les heures, au rythme de son appétit. Outre le desayuno, la comida et la cena, il y a encore l’almuerzo, le casse-croûte du matin et la merienda, le goûter de l’après-midi. Toutefois le repas le plus important est la comida, à savoir le repas de midi qui se prend entre 14h et 17h.

La cuisine est toujours généreuse et savoureuse, elle raconte l’art de combiner des ingrédients de tous genres, épicés et parfois piquants mais épicé ne signifie pas pour autant piquant. Le Mexique a beaucoup apporté aux cuisines du monde entier qui lui doivent des produits déjà utilisés par les civilisations amérindiennes et inconnus ailleurs dans le monde : le maïs, le cacao, les haricots, l’ananas, l’avocat, la vanille, la tomate, la citrouille sans parler des nombreux épices et autres piments. Chaque région possède des saveurs qui la distinguent des autres, liées au climat, à l’environnement, à l’altitude sans parler de la fusion culturelle survenue avec l’arrivée des Espagnols. 

Dans la Sierra Norte Poblana, la gastronomie est plus rustique, plus brute mais sûrement plus authentique car ici, le cuisinier ne cherche pas à séduire l’étranger par une cuisine fusion cosmopolite. Ici on apprécie el asado, un ragoût dans une sauce relevée avec du chili rouge, des oignons frits, de la cannelle et des zestes d’agrume. Sur les tables des petits restaurants, il y aura toujours des gorditas llenas, sorte de brioches fourrées de viande hachée (le picadillo), de fromage ou de frijoles, le fameux haricot noir ou brun clair, ou encore des fajitas, soit une tortilla pliée et remplie de viande, de crudités, de sauce et de condiments. 

Autant de plats qui se préparent avec ce qu’offre la nature. Les flancs des collines sont tapissés d’un couvert feuillu sous lequel poussent à l’abri du soleil des caféiers mais aussi du maïs, des frijoles, des arachides et des pommes de terre. Autant d’ingrédients qui se marient à merveille avec la viande de poulet mais aussi de brebis ou de veau qui paissent dans des prés d’alpage. Les tortillas, qui sont au Mexique ce qu’est le pain chez nous, sont ici au coeur d’une multitude d’antojitos, sortes d’encas tellement copieux qu’ils valent un repas : chilaquiles, enchiladas, sopes, flautas, quesadillas, tacos, chalupes, il y en a pour tous les goûts ! Les desserts par contre ne sont pas une tradition ici, on n’y trouve en général que des flans servis avec de la cajeta, une sorte de confiture de lait.

Le café de la Sierra est le fruit d’un travail de coopérateurs qui distribuent leurs produits entre autres sous le nom de Cofradía del Café que l’on retrouve dans le village magique de Cuetzalan. De quoi vous promettre un café obtenu de manière artisanale, sans fertilisants ni autres produits chimiques. Un goût à la fois amer et corsé qui tapisse le palais et donne une impression d’intensité.

Le café fait aussi la fortune de la région nord de l’Etat de Colima, autour de Comala où toutes les conditions sont réunies pour produire un café aux saveurs et arômes généreux au point qu’il est même délicieux simplement arrosé d’eau bouillante, rien à voir avec les traditionnels Nescafé et autres. Cultivée sur les pentes des volcans, la récolte est amenée dans la petite fabrique de café de Comala. D’abord séchés au soleil dans la cour, les grains suivent ensuite deux chemins. Certains seront envoyés tels quels aux USA ou ailleurs au Mexique où ils seront toastés sous un autre nom, d’autres seront traités sur place à savoir grillés à 200° pendant 90 minutes puis refroidis durant une demi-heure avec un ventilateur tout en étant brassés. Ils sont alors directement empaquetés dans des sacs avec une valvulve qui permet d’évacuer les gaz du café. Toute une opération qui se fait au quotidien de manière artisanale car le seul ouvrier préposé à la tâche ne traite qu’une centaine de kilos de grains à la fois et ce devant le bar où il est possible de savourer une tasse de café dans une ambiance parfumée à souhait pour ceux qui aiment ce produit et souhaitent emporter du café fraichement torréfié. Le Café Comalteco a reçu le label de meilleur café de Colima en 2011. @ElComaltecoOficial sur Facebook

Comala est également connu pour son pain, el pan dulce que l’on peut retrouver aussi dans la Sierra Poblana, particulièrement à Zacatlán de las Manzanas chez Don Elias si ce n’est que dans la Sierra, il est toujours fourré de fromage même s’il change de forme (brioche, miche, poupée, tête de mort, etc…) et porte plutôt le nom de pan de queso ou encore à Cholula près de Puebla où la boulangerie La Blanca est réputée pour ses pains colorés. On trouve aussi dans la Sierra des gâteaux à base de riz, de carottes, de noix de coco et de bananes. Par contre, à Comala, le pan dulce rappelle un peu nos pains au lait et aux œufs légèrement sucrés si ce n’est qu’ils sont bien cuits, plus croustillants et en forme de volcan. A déguster encore chauds au petit déjeuner mais aussi en fin de journée avec une tasse de café, à la mode des habitants de Comala.

L’autre mot qui évoque Comala après le café et le pain, c’est le ponche, une boisson alcoolisée typique de la région et il n’est pas une boutique qui n’en vende pas dans le village magique. On en trouve des rafraîchissants à base de grenades, de prunes séchées, de myrtilles ou encore de tamarindos, ou alors des plus crémeux à base de lait d’arachides, de noix, de café, d’amandes ou de pistaches sans oublier bien sûr l’alcool pur de canne à sucre qui offre à cette boisson une délicieuse saveur parfumée qui monte très vite à la tête.

Un rhum de grande qualité a également fait son entrée depuis peu sur les tables de Colima. Une rencontre entre un héritage de champs agricoles et leurs nouveaux propriétaires universitaires décidés à valoriser cette culture millénaire. Terres fertiles plantées de cannes à sucre à 6 km en ligne directe du volcan, un climat chaud et humide, des eaux d’origine volcanique, autant de facteurs réunis pour élaborer un excellent rhum, sous la houlette d’un expert cubain. Le vin de mélasse fermenté pendant une vingtaine d’heures passe dans un alambic dont la colonne où s’échappe la vapeur est en cuivre tandis que la chaudière est en acier inoxydable. Le résultat affiche 50% d’alcool et est emmagasiné dans des barils de chêne américain ayant déjà servi à faire du whisky qui leur a enlevé le goût amer du bois. Il ne reste plus qu’à attendre et à laisser la part des anges s’envoler d’année en année jusqu’à obtenir un rhum de qualité qui a déjà gagné 3 médailles de bronze et une d’argent  https://ronclassico.com.

Une autre boisson rafraîchissante typique de l’Etat de Colima est la tuba dont l’origine remonte à l’époque du Galion de Manille qui sur la route vers Acapulco faisait toujours une halte à Manzanillo pour charger des citrons, une culture qui a fait de Colima la capitale du citron. Souvent quelques Philippins débarquaient sur la côte pour offrir leurs services dans les champs de cannes à sucre et ils venaient avec leurs habitudes culinaires. C’est à eux que l’on doit entre autres la culture des cocotiers importés depuis Manille et qui ont pénétré au Mexique par l’Etat de Colima. Les Philippins avaient la coutume d’extraire des fleurs de cet arbre un jus qui, fermenté, donnait du vin de coco, un alcool qui aura tant de succès qu’il supplanta le vin des Espagnols qui décidèrent de l’interdire pour ne plus souffrir de cette concurrence. Toutefois le vin de coco se maintint jusqu’à l’apparition de la bière. Mais rien de tel que la tuba extraite de la sève des palmes du cocotier au moment de la floraison, légèrement cuite avec du sucre puis maintenue au repos durant une nuit et toujours vendue rafraîchie avec des glaçons et agrémentée de petits morceaux de fruits, de pignons ou de pépins de grenade qui lui donnent une jolie couleur rose. Le marchand de tuba est reconnaissable à sa tenue blanche et à son chapeau de paille ; il conserve sa précieuse préparation, non alcoolisée celle-ci, dans une grosse calebasse qui préserve la boisson de la chaleur ambiante.

Puebla au cœur de la gastronomie.

La reconnaissance de la gastronomie mexicaine sur la liste du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité en 2010 a encouragé les restaurants du pays à valoriser leurs spécialités régionales qui se retrouvent aujourd’hui au menu de grandes maisons sous la houlette de chefs reconnus. Comme ils l’expliquent, dans un monde où les cuisines sont devenues globales, tout l’art est de révéler la saveur unique de la cuisine mexicaine, « anciennes façons, nouvelles mains ». Peu de lieux au Mexique offrent une gamme de choix gastronomiques aussi large et variée que la ville de Puebla. Aux coins des rues comme dans les restaurants les plus réputés se mêlent saveurs de la mer, viandes saignantes du nord du pays et épices exotiques du sud.

Le plat le plus connu est sans nul doute le mole poblano qui trouverait son origine dans d’anciennes recettes indigènes revisitées par les religieuses du couvent de Santa Rosa qui reçurent à dîner l’archevêque du diocèse et décidèrent de lui offrir un repas de leur invention. Le résultat est un mélange inédit et savamment dosé de chocolat, de piment, de tortillas, d’amandes, de graines de sésame, de noix, de clous de girofle, de sucre, de tomates, d’ail et d’oignons et de multiples autres herbes aromatiques ! La recette était née, elle a traversé les siècles et fait toujours le succès des tables de Puebla. Il accompagne généralement de la volaille et peut être plus ou moins épicé selon que vous choisissez le mole verde à base de pipián, le rojo, le negro et même le rosado plus doux, coloré avec des fleurs de bougainvillées et servi généralement avec du saumon. Une recette de l’excellent restaurant El Anafre Rojo www.elanafrerojo.com. Una autre maison réputée pour sa cuisine régionale traditionnelle est La Casita Poblana bien connue pour accueillir des familles et des groupes www.lacasitapoblana.com. Plus gastronomique et plus inventive, la cuisine offerte par la chef Perla Colunga du restaurant El Cinco Cocina Urbana emporte la palme avec entre autres des spaghettis cuits dans du mole et servis avec des crevettes grillées ou encore une viande de bœuf saignante accompagnée de différentes sauces épicées ou comment appréhender les chiles mexicains @CincoRestaurante dans Facebook. Le chile accompagne toutes les préparations. On dit qu’il y en aurait plus de 250 variétés. De toutes les tailles, de toutes les couleurs, frais ou séchés, taillés ou farcis, ces piments semblent se décliner à l’infini. Indissociable de la cuisine, ils sont souvent présentés sous forme de sauce dans des coupelles séparées. A goûter sans hésiter mais avec parcimonie.

Le village magique de Cholula n’est pas en reste avec le chef Fausto du restaurant Mama Elena qui offre sur sa terrasse suspendue face au volcan de Popocatépetl une cuisine traditionnelle innovante : des tamales farcis de petits frijoles et de crème d’épinards arrosés d’une sauce goûteuse ou encore une délicieuse soupe d’avocats, onctueuse à souhait @mamaElenaRestaurante sur Facebook.

La gastronomie au quotidien.

Le Mexicain explique volontiers que la patrie, la religion et la nourriture sont au cœur de la vie de chacun. Rien d’étonnant quand on découvre la richesse des marchés locaux qui abondent de viande, de légumes et de fruits tropicaux qui flattent le regard et font saliver les papilles. Dans chacun d’eux, les comedores, sortes d’étals de restauration simples, propres et sans fioritures, attirent une clientèle variée et populaire. On y mange pour quelques pesos en se régalant d’antojitos et en échangeant les dernières nouvelles, car c’est aussi un lieu de rencontres. Les fruits se dégustent frais en salade au petit déjeuner ou auprès des marchands ambulants, joliment découpés et offerts dans des coupelles de papier ou de plastique et assaisonnés de chile. Ils s’apprécient aussi en jus pressés à la demande, une belle alternative aux refrescos, à savoir les sodas de toutes sortes. Dans les restaurants, les menus proposent également une agua fresca ou agua de sabor, à savoir un jus de fruits frais allongé avec de l’eau plate ou minérale, très rafraîchissante et désaltérante.

Dans l’Etat de Colima, on retrouve inévitablement une gastronomie contrastée entre celle que proposent les tables campestres disséminées dans les villages comme à Comala avec le restaurant Don Comalón en exercice depuis 1946 et où la formule veut que toute boisson est accompagnée gracieusement de botanas à savoir des petites collations sous forme de tacos ou de flautas, ou encore Los Portales de Suchitlán où derrière une simple porte s’ouvre un vaste jardin ombragé de hauts arbres, offrant des jeux pour les enfants et garni de longues tables en bois recouvertes de nappes colorées, un lieu idéal où rencontrer les familles et les groupes d’amis et déguster des plats nourrissants à base de viandes cuites au barbecue et accompagnées de tortillas faites à la main. La Terraza de Mary à 1430 mètres d’altitude avec une vue imprenable sur le volcan propose également une cuisine savoureuse et nourrissante comme son tatemado de porc, un plat emblématique de Colima avec une viande qui a longuement mariné dans un mélange de tuba, de chiles et de laurier, ou encore le chamorro, un jambonneau servi avec des frijoles.

 

Sur la côte par contre on aime se retrouver au bord de l’océan, sous une palapa les pieds dans le sable pour y déguster des fruits de mer et des poissons qui sont au menu de toutes les tables que ce soit dans les stands de tacos, sur la plage ou dans les restaurants élégants. A découvrir entre autres les tamales aux crevettes, la soupe de poissons, les cebiches, les langoustines à l’ail, les palourdes et les cocktails aux fruits de mer. Une cuisine simple et naturellement délicieuse car les ingrédients de toute fraîcheur n’exigent pas de préparations très élaborées. A déguster entre autres à Tecomán dans le restaurant familial de Las Hamacas del Mayor ouvert depuis 60 ans et incontournable www.lashamacasdelmayor.com   Colima a sa bière artisanale qui se déguste dans un lieu emblématique à Colima, sur la terrasse El Trapiche installée sur le toit d’un hôtel presque centenaire puisqu’il a été fondé en 1920 par Don Ceballos Cárdenas dont il porte le nom Hôtel Ceballos sous la bannière de Best Western actuellement. De là-haut la vue sur la place bordée de bâtiments qui s’illuminent à la tombée du jour offre une très belle pause en savourant La Colimita, une bière qui équilibre savamment les goûts entre des saveurs légèrement acides, florales et houblonnées.

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